La relation France-Russie a évolué, probablement en profondeur, depuis le milieu des années 2000 – cherchant à se densifier sur le plan économique mais tendant à se banaliser sur le plan politique. Cette transformation a certes été masquée par l’année croisée France-Russie en 2010 et la signature, l’année suivante, du contrat sur les bâtiments de projection et de commandement type Mistral. Elle n’en est pas moins réelle. Côté français, où la politique étrangère prend des accents plus idéalistes, une « fatigue » de la Russie, de sa trajectoire interne et de sa politique étrangère explique en partie cela. Elle s’ajoute au changement générationnel au sein des administrations françaises, dont les représentants intègrent désormais plus spontanément les approches des nouveaux Etats membres de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique. La Russie perçoit ces changements comme les symptômes d’une « atlantisation » de la politique française ou, du moins, une dépersonnalisation, ce qui, à ses yeux, fait de Paris un partenaire moins « utile » et moins fiable. L’analyse russe de la ligne française sur la Libye ou la Syrie s’inscrit directement dans cette perspective. A différents égards, ces inflexions se sont fait sentir dans le contexte du conflit en Ukraine.