Qu’est-ce qu’une crise? Dans le langage courant, une crise est un changement subit, souvent décisif, favorable ou défavorable, un accès bref, soudain et violent, une période décisive ou périlleuse de l’existence, une pénurie ou une insuffisance de quelque chose. Au plan politique et international, c’est une rupture d’équilibre, une période intermédiaire, qui se caractérise par un accès bref, soudain et violent qui a une histoire, un historique, des origines bien précises. Pour comprendre une crise, il faut donc la saisir dans toutes ses dimensions et comprendre ces facteurs de rupture, ces facteurs déclenchants qui peuvent conduire à un apaisement, à un enlisement ou à un conflit ouvert. Il faut comprendre également ses acteurs, leurs motivations, leur instrumentalisation par d’autres acteurs, la médiatisation de phénomènes qui peuvent être extérieurs à la crise et qui peuvent in fine occulter les origines de la crise. Enfin, pour comprendre une crise, il faut également analyser l’impact des actions des acteurs extérieurs que sont les Etats de la région, les institutions internationales, les dispositifs de sécurité mis en place par ces institutions, la politique d’autres Etats ayant des intérêts dans la zone. Telles sont les questions qui forment le fil conducteur des articles de cette rubrique. Le monde d’aujourd’hui est parcouru par des crises de tous ordres : crises planétaires (crises énergétiques, crises sanitaires, crises économiques), crises politiques internationales (Iraq), crises politiques régionales (Soudan, Grands Lacs, Afrique de l’Ouest) et crises politiques locales (Haïti). Elles sont latentes ou peuvent se transformer en guerres souvent très meurtrières conduites avec des moyens souvent rudimentaires. Il s’agit d’en comprendre de manière précise les origines et la réalité. Les Etats comme les différentes institutions internationales ne peuvent aujourd’hui faire l’économie de cette réflexion qui conditionne leurs modes d’intervention, leurs instruments, leurs méthodes de travail, les moyens financiers et le type de transition politique, économique et sociale à mettre en place. Cette réflexion conditionne la gestion et la résolution des crises d’autant que leurs trajectoires ne sont jamais linéaires. D’ailleurs, la complexité de la crise a engendré une complexité de sa gestion, des dispositifs internationaux nécessaires pour la maîtriser, mais souvent mal armés et peu coordonnés. Le problème est que les institutions internationales chargées de cette gestion sont mal équipées pour analyser, alerter et s’adapter à la crise. La réflexion sur la crise est aussi une réflexion sur la stratégie de sortie de la crise tant au niveau des acteurs locaux qu’au niveau des acteurs internationaux engagés. La stratégie de sortie de crise ne signifie plus le départ d’un Etat ou d’une organisation après intervention, mais la mise en place d’une stratégie de consolidation de la paix qui puisse aboutir à une réduction progressive de la présence de la «communauté internationale». La stratégie de sortie de crise fait partie d’un continuum dans la gestion d’une crise ou d’un conflit. Il ne s’agit plus aujourd’hui de s’interposer entre des parties à un conflit, de maintenir la paix de manière statique, mais d’élaborer des programmes qui reconstruisent une société en crise ou un Etat défaillant, qui construise une paix toujours fragile. Les stratégies de sortie de crise sont donc des stratégies de long terme, des stratégies d’engagement sur la durée, qui doivent permettre une coordination des efforts de la «communauté internationale», et c’est là son principal défi. – Le sommaire de l’AFRI 2005